M. Boussac vient de nous faire parvenir une synthèse de ses travaux sur Marssac. Nous l’en remercions et partageons avec vous ce moment de lecture de notre histoire commune.

 

«Dernier héritier de la famille Monclar qui s’établirent à Lamartine en 1600, j’ai fait dans ma jeunesse des recherches et pu utiliser de nombreux documents aujourd’hui perdus et, au décès de mon père, j’ai remis en 1981 aux Archives départementales celles que nous possédions concernant les actes consulaires traités par mes ancêtres.»      J.H.Boussac

 

Le village de Marssac a pour origine le peuplement le long des rives du Tarn avant la conquête romaine. Une villa gallo-romaine lui a peut-être donné son nom. Mais son peuplement remonte au haut-moyennage avec le premier cimetière mérovingien de Notre-Dame d’Olivièges près du Buc. En bordure du Tarn une villa ? La traversée de la rivière va provoquer un déplacement de la population principalement dû à l’insécurité croissante du haut- moyennage.

 

 

 

Les premières mentions de Marssac datent de 1177. Il s’agit du serment prêté à Roger II Trencavel pour sa vicomté du Castelviel d’Albi qui comprenait outre le Castelviel les forteresses d’Avisac, Terssac et Marssac. Il reçoit l’hommage de 23 chevaliers dont Guilhaume Frotier et Paganus fils de Bérangère qui ont la garde du Fort de Marssac.

 

Dans le cartulaire de Bernac nous apprenons le détail de l’organisation de la forteresse de Marssac: le propriétaire de la terre ou ses successeurs (l’Evêque d’Albi, Amauri de Monfort, le Roi de France) baille la terre à disposition de celui qui l’exploite. Moyennant quoi ce dernier lui paye annuellement un cens en nature. Toutefois il lui est possible de la vendre ou de la donner en héritage moyennant certaines taxes aux propriétaires: les Trencavel. Dans d’autres cas on trouve des paysans attachés à la terre, vestige du servage un peu amélioré : ils pouvaient quitter leurs exploitations mais en laissant tout (meubles, outils, …).

 

Pour représenter et gérer le territoire un intermédiaire était désigné et responsable. La localité a suivi aux XIIème et XIIIème siècles les différentes péripéties de la Vicomté du Castelviel dépendant du Comte de Toulouse, de Simon de Montfort, enfin de l’Evêque d’Albi. En 1212 Marssac et Rouffiac étaient remis à l’Evèque d’Albi dont il devait rendre hommage au chef de la croisade.

 

 

 

Un grand nombre d’impôts ou taxes étaient prélevé : les dîmes, le sel, la pesade, droit de péage sur le Tarn, l’utilisation du moulin ou du four à pain. A ce propos une légende attribue à Saint Dominique un miracle lors du passage du Tarn à Marssac : le passeur, un certain Brunet, exigea de lui le denier pour la traversée. Le Saint, dans le fond de la barque aperçut la piécette de un denier nécessaire. Mais il dit au passeur: «Tant qu’un Prunet sera, Prunet caquètera !» et au 17ème siècle il y avait à Marssac une famille Prunet dont certains bégayaient. Il faut préciser à la suite d’études concordantes que la région n’a pas été contaminée par l’hérésie cathare. Mais que l’Inquisition a permis de se débarrasser de certains aristocrates pour les spolier.

 

 

 

C’est le cas de la famille de Marsac au XIIIème siècle afin de percevoir les dîmes (impôt perçu par l’Eglise) et autres taxes comme le passage du Tarn. Ce qui explique pourquoi l’Evêché d’Albi passait sous l’ancien régime pour un des plus riches de France. Au XIIème siècle les «de Marsac» en la personne de Guiraud de Marsac disposent de fiefs dans le secteur de Marssac et des environs.

 

 

 

Bernard de Marsac et sa femme Béatrix furent déclarés hérétiques en 1271 et leurs biens confisqués au profit de l’Inquisition mais non condamnés à être emmurés et leurs biens confisqués. L’Evêque nomma un autre vassal : Guilhaume de Marsac en 1300 reconnait être le vassal de l’Evêque d’Albi. Hérétique à son tour on mit à sa place le fils du Vicomte Bernard et la famille pendant deux siècles rendra hommage à l’Evêque d’Albi.

 

Durant le XIVème siècle d’autres vassaux s’installent à Marssac tels Béraud de Fargues, Bertrand de Penne, Céline de Solomiac, qui eux aussi rendent hommage à l’Evêque d’Albi des biens qu’ils possèdent à Marssac. Par contre le seigneur Evêque devait serment de fidélité au roi de France qu’il prêtait de mauvais gré pour les châteaux de Marssac et Rouffiac : c’était le seul lien de fidélité qui le liait au Roi de France. Pour cela il devait se rendre, à ses frais, au printemps, à Nîmes ou Beaucaire auprès du Sénéchal afin de jurer fidélité au Roi.

 

Au XIVème siècle, au début Marsac devait être un gentil village. L’Evêque d’Albi y résidait parfois en été avec ses familiers et son administration. Un juge y rendait la justice au nom de l’Evêque et du Roi de France. A partir de 1368 la ville était administrée par deux consuls élus, mais agréés par le Seigneur Evêque. Le passage du Tarn faisait que les personnalités y étaient accueillies en grande pompe par les Consuls d’Albi. Le pays était prospère : on y cultivait du méteil, de la vigne, des bois, on y trouvait aussi un moulin et une briqueterie !

 

 

 

Cela dura jusqu’en 1380, date à laquelle la guerre de Cent ans gagna l’Albigeois. En 1358 on avait procédé au renforcement des murailles et les habitants montaient la garde. Un des principaux mercenaires qui ravagèrent le pays était natif de Marssac : on l’appelait le «Pauco de Lantar». Il se disait à la solde des anglais. En fait il dirigeait une bande de pillards qui, de Rosières, Terssac ou Curvalle, rançonnait la plaine autour d’Albi, menaçant les récoltes de céréales et de vin. Chassé de Terssac moyennant finance, il se replia semble-t-il sur Marsac, car en 1421 la ville était «aux anglais» et ce jusqu’en 1438. Il reprit la ville de nouveau en 1443, exigeant d’Albi, par exemple, un quintal de chandelles, 100 fougasses fraîches ! Le pays était ruiné et Marsac ne comptait pas 50 habitants. En plus la peste sévissait. Les saisons avaient des hivers rigoureux, disette…

 

On se remet au travail : on reconstruit le château et les remparts, l’église, le moulin sur le Tarn. Le nombre de Consuls passe à 4. Quand le pays se fut relevé, les guerres de religion apportèrent de nouveaux troubles. Marsac était défendu par une garnison payée par le diocèse. Terssac de son côté était aux mains des protestants. C’était encore un Marssacois mercenaire, le capitaine Peytavi qui battait la campagne. En 1573 pillage et sac du village. Il attira en embuscade la garnison de Marssac en 1574. Quelques dizaines de catholiques furent occis y compris le «Gouverneur» qui avaient cherché refuge dans une maison de la plaine de Lieure. Les soldats de tous bords commirent les pires exactions avec une guerre larvée entre Terssac et Marsac, pillages, rapines de 1576 à 1588. 

 

Le règne d’Henri IV ne sera qu’un court répit. Le passeur qui a refusé le passage à des hommes d’armes est blessé d’un coup d’épée. Les marsacois doivent héberger les soudards traversant le pays. La compagnie de Bieules commet les pires excès hors la ville. A partie de 1628 la paix revient enfin, mais il s’ensuit des périodes de disette et de prospérité : les conditions climatiques en 1709 jointes à une épidémie de peste furent terribles : le froid devint si rude que la rivière Tarn était gelée, le vin dans les caves gela aussi, les arbres fruitiers périrent également. En octobre une violente crue emporta tous les moulins à l’exception du moulin du Cardinal Duprat. En raison de la disette le peuple croulait sous les impôts qui ne purent être payés qu’au bout de 40 ans.

 

La fin du siècle, sous Louis XV, fut meilleure et plus prospère. Les paysans élèvent des moutons, des ânes, des mules, cultivent le chanvre de bœufs et de chevaux. Il y a des tisserands et des voituriers, le commerce commence à se développer entre les villages et la ville. En 1767, Marsac, Florentin et Cadalen forme une Vicomté dite de Pierrebourg.