78ème anniversaire de la Libération de Gaillac et des villages environnants en août 1944

Hommage à Jean Polycarpe

Discours rédigé par Madame Maryse Victorine Salvy-Capmartin, lu ce 14 août 2022 par Madame Dominique Ferrière, adjointe de Madame le Maire de Marssac, devant la stèle de Jean Polycarpe, en présence des anciens combattants, des représentants des communes de Labastide de Lévis, de Rivière, de Gaillac et de Marssac-sur-Tarn, d’élus et de citoyens.

«On peut lire au pied du monument érigé sur la petite place de Marssac, non loin de l’église, sur une plaque en marbre granit bleu et en lettres dorées : «Résistants tués aux portes de Marssac».

Le premier nom de la liste est celui de Polycarpe Jean, suivi de la date de sa mort le 14 août 1944. Ensuite viennent les quinze noms des jeunes gens exécutés trois jours plus tard. Seize victimes immolées sur l’autel de notre belle terre tarnaise, juste avant ou pendant la libération de Carmaux et d’Albi.

Il convient à présent de présenter Jean, du moins en quelques traits suffisamment forts pour dresser le portrait d’une figure glorieuse de la Résistance tarnaise. Voici comment le présente son compagnon Georges Bourrel, dans un témoignage rédigé à Escoussens le 7 avril 1987 : «Un jeune homme, 24 ans, sportif, avec qui il faisait bon vivre, un compagnon sûr, un excellent camarade. Courageux ? Il l’était; d’une discrétion exemplaire, pas de fanfaronnades»

Comment s’est produite cette tragédie que nous commémorons aujourd’hui à travers cette stèle, que Madame le Maire et la municipalité de Marssac ont pris soin de restaurer et de remettre à l’honneur — ce dont nous les remercions vivement ?

Pour répondre à cette question, je cite maintenant le fondateur du maquis Armagnac, Monsieur Casimir Galinier, dont le fils, Monsieur Jacques Galinier, nous fait l’honneur d’être ici aujourd’hui parmi nous. Voici ce qu’il a dit lors de l’inauguration de la petite rue Jean Polycarpe, qui se trouve dans le quartier de la Madeleine à Albi, non loin du cimetière du même nom où repose notre cher Jean, notre héros local: «La libération approchant, les opérations contre l’ennemi devinrent plus nombreuses et plus importantes. Le   10 août, la Résistance Carmausine ayant fait sauter le câble téléphonique reliant Toulouse à Lyon, les troupes nazies se virent privées d’une grande partie de leurs moyens de communication. Dès le 11 les occupants amenèrent à pied d’œuvre des ouvriers pour réparer le câble sous la protection d’une trentaine de soldats. Le 12 au matin, sur l’ordre de leur Chef de Section l’Adjudant-Chef Roger Bourrel, une patrouille de trois hommes comprenant Jean Polycarpe, le Sergent Georges Bourrel (frère du Chef de Section) et un gendarme en tenue venu rejoindre le maquis, vint dès 3 heures du matin s’installer à la lisière d’un bois pour surveiller les troupes ennemies. Il faisait très chaud et vers 16 heures les trois hommes décidèrent d’aller demander à boire à la ferme Picard sur la colline en face. Le Gendarme partit sur une voiture à cheval conduite par un agriculteur de passage et franchit les barrages sans problème. Jean Polycarpe et Georges Bourrel, après un long détour, rejoignirent la ferme et dans la cour se trouvèrent face à 3 allemands qui ouvrirent aussitôt le feu. Georges Bourrel réussit à rejoindre son point de départ en suivant une haie épaisse. Jean Polycarpe partit sur sa gauche pour rejoindre aussi le bois et disperser les poursuivants. Son camarade le vit chuter, peut-être blessé, puis tomber dans une mare où il fut capturé. Conduit au lycée Lapérouse, il y fut horriblement torturé pendant deux jours, à quelques mètres à peine de son domicile puisque sa maman habitait rue d’Elbene. Le 14 août, affreusement mutilé, il était abattu dans un champ de la commune de Marssac de plusieurs balles dans le dos. Le 16 août, alerté par des voisins, le curé Bézard de Marssac, avec l’aide d’un jeune garçon âgé de 16 ans à l’époque (il s’agit de Monsieur Pagot), vint récupérer le corps avec un chariot à bras.»

Ce récit, extrait du discours de Monsieur Casimir Galinier, était un peu long mais nécessaire pour bien cerner le déroulement des faits et mieux percevoir l’horreur de cette tragédie ainsi que la profonde injustice qui a broyé la vie d’un jeune homme audacieux, généreux et valeureux.

«Par une volonté et un courage incommensurable, sous la torture, il n’a donné aucun renseignement à ses bourreaux. Nul n’a été inquiété après son arrestation ? Il n’a pas parlé ! Qu’il serve d’exemple.» écrit aussi son compagnon le Sergent Georges Bourrel.

«Oh ! le pauvre petit !» s’est écriée sa maman en voyant sortir, à 6h du matin, un reste d’être humain encore vivant, encadré et traîné sous les aisselles par deux SS. Quelque temps plus tard elle apprendra que c’était son fils.

Alors elle a condamné sa fenêtre avec un épais rideau noir, pour que plus jamais ses yeux ne voient ce portail gris et sinistre d’où son fils est sorti pour aller vers la mort ».

Maryse Victorine SALVY-CAPMARTIN